Omar Effendi…prémices des centres commerciaux en Egypte

Nermine Khatab Mardi 24 Novembre 2020-13:59:52 Chronique et Analyse
Les frères Sednaoui
Les frères Sednaoui

Pour ceux qui ont grandi au Caire, ils ont tous le souvenir de Grands Magasins ayant pour noms : Cicurel, Omar Effendi (Orosdi-Back), Sednaoui, Chemla et dont la clientèle englobait toutes les couches de la population. Ces grands magasins étaient les prémices des centres commerciaux en Egypte. Contrastant avec le déclin général dont les voyageurs européens relevaient les signes en Egypte, l’intense activité commerciale des marchés du centre du Caire impressionnait habituellement ceux qui en étaient les témoins, et le spectacle haut en couleurs des encombrements de la Qaṣaba et du Khān Al-Khalili revient comme un leitmotiv dans les récits de voyage des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. C’est en effet au Caire, foyer de production et de consommation, lieu de concentration et de redistribution des produits pour l’ensemble de l’Egypte, centre principal du transit international, que se faisait l’essentiel du trafic commercial de l’Egypte. (https://books.openedition.org/)

 

L’importance commerciale du Caire provenait pour partie de l’activité de son artisanat. Si dans le domaine de la production textile les centres provinciaux jouaient, on l’a vu, un rôle considérable, Le Caire l’emportait certainement de très loin par la variété de ses productions et par le nombre de ses ateliers. La supériorité de la capitale apparaissait plus nettement encore dans les autres artisanats, et elle était écrasante dans le domaine des fabrications de luxe (travail du cuir, du cuivre, du bois ou des matières précieuses par exemple) dont nous avons vu l’importance économique.

"Omar Effendi" est le nom d'une chaîne de magasins de commerce qui a été fondée en 1856 au Caire par la famille "Adolf Orosdi", d'origine autrichienne, à l'époque de Mohamed Saïd pacha. La première filiale de ces magasins avait été créée à la rue Abdel Aziz au Caire et porta le nom de "Orosdi-Back" et avait pour but de satisfaire les besoins en marchandises des Egyptiens et des étrangers. Cette belle ancienne filiale, composée de six étages, fut conçue par l'architecte "Raoul Brandon" selon le style des grands magasins de Paris "Le Bon Marché", selon une page touristique sur Facebook.

En 1900, le propriétaire des magasins "Omar Effendi" inaugura plus de 60 filiales de par l'Egypte."Adlof Orosdi" était un officier aux Forces armées hongroises. Il a réussi à multiplier ses filiales et à attirer une clientèle en raison des prix bon marché de ses marchandises qui couvraient toute une gamme d'appareils ménagers et électroménagers ainsi que d'étoffes, entre autres.

En 1920, après la première Guerre mondiale, les magasins "Omar Effendi" furent vendus en raison de la haine par les Anglais de toutes choses autrichiennes. C'est alors que les nouveaux propriétaires donnèrent le nom de "Omar Effendi" au réseau de magasins. Selon toute vraisemblance, le nom appartient à "Omar El-Arnaouti" un homme d'origine albanaise qui travailla dans l'un des magasins "Orosdi-Back". Omar portait à l'époque le costume et le tarbouche (Bonnet rouge cylindrique portant un gland de soie, coiffure masculine en usage jadis en Egypte), c'est pourquoi il fut surnommé Effendi. Les propriétaires ont mis à profit la bonne relation entre la clientèle et "Omar El-Arnaouti" et donnèrent son nom aux magasins. Ils ont aussi essayé d'éviter la colère des Anglais qui détestèrent alors tout ce qui était hongrois et autrichien.

La chaîne de magasins "Omar Effendi" qui a acquis une grande renommée à l'échelle mondiale fut nationalisée en 1957 par l'ancien Président Gamal Abdel Nasser. Omar Effendi est la plus ancienne et la plus connue chaîne de magasins d’Egypte.

Ces grands magasins formaient le cœur d'un quartier commercial au centre de la ville du Caire que les urbanistes cherchent à recréer de nos jours. Sednaoui, Adès, Cicurel, Hannaux et Omar Effendi (Orosdi-Back) étaient des entreprises d'hommes d'affaires étrangers qui résidaient en Egypte.

 

Les frères Sednaoui

Les frères Sednaoui étaient des Chrétiens d'origine syrienne. Ils étaient venus en Egypte de Syrie au début du 20ème siècle et avaient créé un ensemble de grands magasins rivalisant avec les quartiers commerciaux de Londres, de New York et de Paris.

Le magasin Sednaoui, composé de trois étages, tirait parti de son réseau d'acheteurs à travers le monde pour fournir les marchandises qui figuraient dans ses catalogues et qui alimentaient ses ventes innombrables. A l'époque, les vitrines attiraient les clients pour les amener à entrer dans le magasin, et les soldes régulières de Sednaoui mettaient les marchandises à la portée des acheteurs aux revenus modestes pour lesquels les produits de luxe qui figuraient de manière proéminente chez Cicurel étaient hors de leur portée.

En avril 2015, Sélim Sednaoui, le petit-fils de Samaan Sednaoui, le fondateur des grands magasins du même nom, est décédé. En l’honneur de sa mémoire et des efforts déployés pour documenter l’héritage de sa famille, on aborde dans les lignes suivantes quelques épisodes de sa vie et de la popularité de leur grand magasin et ce qu’il représentait dans l’Egypte cosmopolite d’une époque révolue.

« Al-Sira atwal men al-omr », qui signifie que la réputation d’une personne lui survit. Ainsi dit l’adage égyptien. Le grand magasin Sednaoui - et l’histoire de ses fondateurs - est la parfaite manifestation de ce dicton. Les magasins Sednaoui sont plus que de simples reliques d’une époque dorée, représentant la société cosmopolite scintillante d’une époque révolue en Egypte. Le premier grand magasin Sednaoui a ouvert à Al-Khezindain en 1913, mais les efforts et l’énergie derrière ce magasin ont commencé en 1878, quand Samaan Sednaoui, un vendeur de rue a fui en Egypte afin d’échapper à la poursuite des catholiques grecs en Syrie ottomane. La fondation d’une petite mercerie avec son frère a été la première étape de leur entreprise qui a rapidement fleuri dans une chaîne de plus de 70 succursales à travers le pays.

En 1891, les frères Sednaoui ont annoncé dans le journal Al-Ahram que leur nouvelle collection d’été comprenait les derniers tissus à la mode importés d’Europe. En 1906, Samaan et Sélim Sednaoui avaient déjà établi un magasin prospère avec un très haut sentiment de responsabilité sociale d’entreprise. En 1907, ils ont transformé l’un de leurs magasins en une société au capital d’environ 215 mille livres sterling. À ce moment-là, ils avaient des magasins au Caire, à Alexandrie, à Mansoura, à Léon et à Paris, ainsi qu’un petit bureau à Manchester, en Angleterre sur 102 Bloom Street. Cependant, le siège social est resté le joyau architectural du quartier de Mouski, l’un des quartiers les plus peuplés du Caire. Malheureusement, en 1908, Sélim Sednaoui est décédé. Beaucoup ont commémoré son décès avec un profond sentiment de tristesse, y compris, bien sûr, la Chambre de commerce égyptienne.

La responsabilité sociale des Sednaoui était aussi efficace et fructueuse que leur entreprise. En plus de leurs généreuses contributions aux organismes de bienfaisance coptes et islamiques, les Sednaouis ont construit un hôpital caritatif en leur nom, aussi connu sous le nom de Dar Al-Shifa à Al-Abbassia, qui a été construit en 1940.

Les magasins Sednaoui ont, malheureusement, été nationalisés en 1961, ce qui a entraîné la fin de l’entreprise familiale en Egypte après avoir fonctionné pendant des décennies comme une entreprise au succès social remarquable. Ce qui reste sont les branches, avec leurs conceptions architecturales uniques et les souvenirs qu’ils préservent d’une Egypte dont beaucoup d’entre nous rêvent encore.

 

Source :Ahram online

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